L'origine du mouvement ultra est contestée. De nombreux
groupes provenant de divers pays font des réclamations sur la base de
leurs dates de fondation. Le niveau de conflit et la confusion est
facilitée par une tendance contemporaine (principalement en Europe) pour
classer tous les groupes de supporters ultras comme ouvertement
fanatiques. Mais c'est bel et bien en Italie qu'apparaissent les
premiers groupes de supporters qui se réclament du mouvement ultra à la
fin des années 19601.
Les groupes de supporters d'une nature comparable à des ultras existeraient en Hongrie depuis 1899 ; les Fradi-Szív de Ferencváros
TC ont été fondés en janvier 1899. Suite à l'annonce de la création
d'un club de supporters, 84 nouveaux membres sont enregistrés en tant
que supporters en trois heures, 1000 en deux jours, 4000 en un mois. Les
membres, selon le type d'abonnement, payent un montant différent : les
membres simples ont une carte blanche, les supporters une carte verte,
sur laquelle est indiqué le nom du titulaire2,3.
Torcida Vasco de Gama en 2007
Une
forme de supportérisme proche du mouvement ultra apparaît
au Brésil en 1939 avec la création à São Paulo de la première Torcida
organizada4. Ces groupes de supporters fanatiques n'ont rien à voir avec
les organisations existantes jusque-là au Brésil comme ailleurs. Ils
utilisent des bâches à leurs noms, agitent des grands drapeaux et
chantent durant tout le match5. Dans le cas des Torcida, puis des
ultras, ces groupes ne sont pas liés directement aux clubs dont ils
portent les couleurs, contrairement aux clubs officiels de supporters
existant depuis la fin du xixe siècle en Europe comme en Amérique du
Sud.
Cette forme de supportérisme se développe
en Europe via la Yougoslavie. Les actualités cinématographiques
yougoslaves diffusent des images de la Coupe du monde de football de
1950, avec de nombreux plans de foules exubérantes : les fameuses Torcida.
Les supporters de l'Hajduk Split sont les premiers Européens à adopter
cette attitude dès le 28 octobre 1950 à l'occasion d'un match contre
l'Étoile rouge de Belgrade. Ce premier groupe prend pour nom Torcida.
L'intensité de la partie face au grand rival et le but victorieux
inscrit à la 87e minute aide à la naissance du mouvement. Les supporters
envahissent le terrain au coup de sifflet final, et portent en triomphe
le buteur jusqu'au centre de la ville. Les « exploits » des fans de
l'Hajduk Split marquent le football des années 1950 et années 19606.
Au
début des années 1950, des présidents de clubs italiens décident de
regrouper et canaliser leurs supporters dans des structures1. Au Torino,
ils prennent le nom de fedelissimi(les fidèles) et de circolo biancoceleste à
la Roma1. Mais c'est dans la seconde partie des années 1960 que se
développe le mouvement ultra. En effet, la société italienne traverse de
profonds changement. Les jeunes, comme partout en Europe désirent
s'émanciper de leurs parents. Dans les stades, ce modèle se reproduit et
les plus jeunes supporters, qui sont souvent les plus fervents,
quittent les clubs traditionnels pour fonder leurs propres groupes1. Ils
se regroupent dans les tribunes où l'accès est le moins cher, souvent
derrière les buts. Lors de la saison 1968-1969, voit le jour au Milan
AC la Fossa dei Leoni qui est le premier groupe à se revendiquer ultra.
Elle est née sous l'impulsion d'adolescents qui se retrouvaient près de
la rampa 18 de la partie sud du stade San Siro. Puis, c'est chez le
voisin de l'Inter de Milan qu'apparaissent les Boys San 1969 ainsi que
les Ultrà Tito Cucchiaroni, de la Sampdoria de Gênes du nom d'un joueur
populaire auprès des jeunes supporters de la Sampdoria7. C'est le
premier groupe à porter le nom d'ultra. Ce terme a été choisi
en référence aux ultraroyalistes qui faisaient aboutir leurs idées par
la violence1. Le mouvement devient incontournable en Italie durant
les années 19708, pendant lesquelles la culture « ultra » prend
véritablement corps.
Cette forme de supportérisme
atteint la péninsule ibérique à la fin des années 70, début des années
80 : Biris Norte du FC Séville en 1975 puis Ultras Sur (1980) au Réal de
Madridet Boixos Nois (1981) au FC Barcelone ; Juventude Leonina en 1976
au Sporting Portugal puis Diabos Vermelhos du Benfica Lisbonne en 1982.
Puis le mouvement ultra atteint la France au milieu des années 1980. Le premier groupe ultra en France est le Commando Ultra de l'Olympique de Marseille fondé en 19849, suivi des Boulogne Boys du Paris Saint-Germain Football Club et la Brigade Sud Nice de l'OGC Nice, tous deux fondés en 1985. Feront suite les Yankee Nord, les South Winners 8710puis les Fanatics à Marseille, les Bad Gones à Lyon, les Ultramarines à Bordeaux.
Cette
forme de supporters laisse froid les pays de culture anglo-saxonne
comme l'Anglettere, la Belgique ou les Pays-Bas dont les supporters
préfèrent nourrir une relation directe et personnelle avec « leur » club
plutôt que de passer par un groupe de supporters. C'est la base même de
l'antagonisme qui oppose ultras (l'école dite italienne)
et hooligans(l'école dite britannique). Toutefois, des ultras
apparaissent dans ces pays dans le milieu des années 1990 : les Ultras
Inferno du Standard de Liège en 1996 (qui sont une émanation du
groupe hooligan Hell-Side11)12. Au début des années 2000, des groupes se
montent au Royaume Uni, les Red Ultras d'Aberdeen puis la Green Brigade
en 2006 auCeltic de Glasgow. Seule l'Angleterre n'accueille pas de
groupes ultra.
Autre pays ayant sa propre
tradition de supportérisme, l'Allemagne et ses fan-clubs remontant aux
débuts des années 196013. Quelques groupes se montent au milieu
des années 1980 comme les Fortuna Eagles du Fortuna Cologne et les Mad
Boys de Leverkusen13. Mais c'est dans le milieu des années 1990 que le
mouvement prend de l'ampleur dans les tribunes allemandes. En 1994, le
premier groupe avec le nom « ultra » est créé au FC Nuremberg, les
Prosillos Ultras de Fribourg en 1996, les Ultras Francfort en 199713.
Ces groupes mettent du temps à s'implanter dans les « kurves » car les
fan-clubs y sont présents depuis des décennies13.